Le 11 janvier 2017
L’Honorable Peter Harder
Représentant du gouvernement au Sénat
Le Sénat du Canada
Ottawa, ON K1A 0A4
Monsieur le Sénateur,
J’espère que cette nouvelle année a bien débuté pour vous et que vous êtes en mesure de profiter de moments de repos et de détente bien mérités. L’année 2016 au Sénat a été fort stimulante, et l’année 2017 s’annonce prometteuse. D’aucuns pourraient faire valoir que le Sénat du Canada a eu droit à plus que sa juste part en moments de fébrilité au cours des dernières années.
Pour ma part, je partagerais fort probablement ce point de vue, mais j’ajouterais que les événements des dernières années ont, à mon avis, fait de la Chambre haute une meilleure institution.
Nous avons, sans conteste, apporté de nombreux changements positifs. Je sais que vous êtes bien au fait de certaines des mesures prises par le Sénat pour être plus efficace, plus transparent et plus responsable. Toutefois, plusieurs de ces changements ont été apportés avant votre nomination, et il est possible que vous soyez moins informé à leur sujet.
Je me suis donc dit que ce début d’année serait l’occasion parfaite pour expliquer plus en détail ces mesures que vous connaissez moins bien et pour aborder celles que nous sommes sur le point de mettre en œuvre, maintenant que nous avons eu le temps de réfléchir sur ces mesures et de les étudier.
Vous n’êtes pas sans savoir qu’une vérification judiciaire sur les dépenses des sénateurs a eu lieu de 2013 à 2015. Saviez-vous toutefois que le vérificateur général du Canada a entrepris cette vérification à la demande des sénateurs eux-mêmes?
En juin 2013, le Sénat a pris la mesure sans précédent de demander au vérificateur général du Canada de procéder à une vérification approfondie des dépenses du Sénat, y compris des dépenses des sénateurs. Au terme de cette vérification, qui a duré deux ans et qui a visé la période allant d’avril 2011 à avril 2013, le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a publié, en juin 2015, un rapport qui, bien qu’il ait ensuite été remis en question en raison des méthodes employées et de la sévérité des conclusions, est toujours utilisé comme outil dans le cadre de la modernisation du Sénat. Ses recommandations ont trouvé leur expression dans l’adoption du nouveau modèle de divulgation des dépenses et dans les mesures qui ont été prises pour l’instauration d’une surveillance indépendante ainsi que d’autres mesures dont la mise en œuvre est envisagée.
L’une de ces mesures touchant la surveillance indépendante, et qui, soit dit en passant, a été mise en œuvre avant même la fin de la vérification du BVG, consistait en l’adoption par le Sénat d’un nouveau code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts, lequel est considéré comme l’un des plus rigoureux dans les pays du Commonwealth.
Adopté en juin 2014, ce code prévoit une marche à suivre claire relativement aux manquements, et son application est assurée par le Bureau du conseiller sénatorial en éthique, un organisme indépendant qui a été créé en 2005. Lyse Ricard occupe le poste de conseillère sénatoriale en éthique.
En mai 2015, soit avant la publication du rapport du vérificateur général, le Sénat a mis en œuvre une autre mesure visant l’instauration d’une surveillance indépendante : la procédure de règlement des différends. Créée par le Sénat, cette procédure, indépendante et objective, permet de s’assurer que les sénateurs ne sont pas les arbitres de leur propre situation ou de celle de leurs collègues relativement à des questions administratives, comme les dépenses. La procédure de règlement des différends comprend un mécanisme d’arbitrage indépendant, et les décisions sont prises par le très respecté ancien juge à la Cour suprême du Canada Ian Binnie. L’instauration de cette procédure a été saluée de manière générale.
Vous êtes peut-être plus au fait de la vérification des dépenses du Sénat et du rapport du vérificateur général que du 25e Rapport du Sénat et des importants changements qui y étaient prévus.
En mai 2013, le Sénat a adopté le 25e Rapport, ce qui a eu pour effet d’apporter des changements importants, dont l’exigence de fournir une preuve de résidence (les sénateurs doivent signer une déclaration de résidence et fournir des pièces justificatives, à savoir une copie de leur carte d’assurance-maladie, de leur permis de conduire et de l’avis de cotisation de l’ARC, et ce, chaque année), l’adoption d’une définition de « logement dans la capitale nationale » et de « résidence provinciale » et l’élimination du « principe de l’honneur » dans le Règlement administratif du Sénat.
Bien avant la publication du rapport du vérificateur général, le Sénat avait également apporté plusieurs modifications et clarifications aux règles qui régissent les dépenses se rapportant à l’approvisionnement, à l’accueil, aux contrats des employés et aux déplacements.
Par exemple, en juin 2012, la Politique régissant les déplacements des sénateurs a été adoptée, ce qui a permis de regrouper toutes les lignes directrices de différentes sources en une seule politique à l’aide du cadre stratégique approuvé. En juillet 2013, la Politique régissant les déplacements des sénateurs a été modifiée pour exiger la divulgation de certaines informations précises sur les motifs d’un déplacement et la présentation de reçus pour les dépenses en taxis. D’autres changements ont été apportés en juin 2014, lorsque le Sénat a décidé de restreindre les indemnités versées aux sénateurs pour les séjours dans la région de la capitale nationale.
Le Sénat a également mis en œuvre une nouvelle politique sur l’approvisionnement, qui a eu pour effet d’accorder le pouvoir de passation des marchés à la Direction des finances et de l’approvisionnement, plutôt que ce soient les Ressources humaines qui aient le pouvoir délégué d’embaucher les employés des sénateurs, y compris de passer des marchés de services de personnel.
Et depuis, d’autres mesures ont été prises en ce qui concerne la passation de marchés. Dans le cadre du nouveau modèle de divulgation des dépenses susmentionné, lequel a été dévoilé récemment, les informations concernant tous les contrats sont maintenant divulguées, notamment la raison du contrat et le nom du fournisseur.
Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que vous avez été assujetti à l’ancien modèle de divulgation qu’une seule fois. Le nouveau modèle ne devait être qu’aux étapes de la mise en œuvre quand vous êtes devenu sénateur. Mais la mise en œuvre de ce modèle a commencé bien avant ce moment.
La mise en œuvre de ce nouveau modèle de divulgation a été entreprise presque immédiatement après la publication du rapport du vérificateur général, en juin 2015. Le Sous-comité des communications a été mandaté pour se pencher sur cette recommandation et proposer un nouveau modèle de divulgation. Cette étape a duré plusieurs mois et nécessité plusieurs discussions, car le personnel de l’Administration a fait des recherches sur divers modèles et proposé plusieurs modèles au Sous-comité en tenant compte d’aspects comme les coûts et les échéances. Le Sous-comité a consulté tous les sénateurs sur ce nouveau modèle, et lorsqu’il y a eu consensus, l’Administration du Sénat a reçu le feu vert pour entreprendre le processus de mise en œuvre. Ce processus, qui impliquait la création d’une infrastructure de TI et la formation du personnel, a duré plusieurs mois, mais le nouveau modèle a pu être dévoilé avant la fin de 2016.
C’est cette même démarche qui est suivie pour la création d’un organe de surveillance indépendant.
Évidemment, contrairement à ce qui a été insinué dans l’entrevue de fin d’année que vous avez accordée à La Presse canadienne, vous êtes bien au fait de cela, car vous et moi avons eu des discussions sur la question de la surveillance indépendante. Fidèle à mon habitude lorsqu’il s’agit de questions ayant une telle importance et un tel retentissement pour la Chambre haute, j’ai consulté tous les membres de la direction du Sénat concernant l’organe de surveillance indépendant. Comme nous en avons discuté, vous et moi, lorsque le dossier du modèle de divulgation a été réglé, nous avons pu nous pencher sur la surveillance, et le sous-comité de la vérification a été chargé de l’étude de différents modèles et de la présentation d’une recommandation concrète au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. Comme nous en avons également discuté, vous et moi, le sous-comité de la vérification devrait présenter cette recommandation dès notre retour au travail au terme de la période d’ajournement en cours.
Je dois admettre que j’ai été perturbé lorsque j’ai lu vos propos dans l’article de La Presse canadienne. En fait, j’ai été troublé par le fait que soit nous n’avons pas expliqué adéquatement, à vous et aux autres nouveaux sénateurs, toutes les mesures que nous avons prises pour rendre le Sénat plus efficace, plus transparent et plus responsable, soit vous, un des membres de la direction du Sénat, avez induit en erreur les Canadiens relativement aux efforts qui ont été et sont accomplis par vos collègues.
Comme vous le savez, faire connaître aux Canadiens le travail accompli par la Chambre haute, que ce soit sur le plan législatif ou en ce qui concerne les mesures prises pour accroître la transparence et améliorer la reddition de comptes, est une priorité pour le Sénat.
La transformation de notre approche en matière de communication est une autre facette du travail qui a été accompli avant votre nomination. Comme nous en avons discuté avec vous et vos collègues représentants du gouvernement lors d’une réunion tenue quelques semaines avant Noël, les sénateurs ont complètement changé la manière dont ils communiquent avec les Canadiens.
En 2014, le Sénat a lancé un examen des activités de sa Direction des communications, examen qui a abouti au rapport qui a été présenté en février 2015 par la firme Blueprint. Nous nous sommes basés sur ce rapport et sur ses recommandations pour réorganiser complètement nos communications, transformation qui a mené aux services que nous recevons aujourd’hui.
Grâce à cette nouvelle approche, le Sénat dialogue avec les Canadiens sur les médias sociaux et diffuse du contenu sur les sénateurs et sur leur travail dans un nouveau magazine en ligne appelé SenCAPlus. De plus, l’adoption de nouvelles procédures pour les relations avec les médias permet au Sénat de fournir aux Canadiens des réponses plus rapidement et plus efficacement lorsqu’il traite avec les médias traditionnels.
Je sais que notre approche actuelle en matière de communication est la seule que vous et les autres nouveaux sénateurs ayez connue depuis votre nomination; toutefois, je vous assure qu’une transformation majeure et qui était en préparation depuis longtemps a été opérée. Il s’agit d’un élément essentiel de notre engagement à rendre le Sénat plus ouvert.
Une autre mesure prise par le Sénat pour devenir plus transparent et plus responsable aux yeux des Canadiens a été de rendre publiques les réunions du Bureau de régie interne et de télécharger promptement les transcriptions et les enregistrements audio sur notre site web. Cette décision sans précédent était une décision simple, mais importante qui a été prise par les membres du comité lors d’un vote qui a eu lieu l’hiver dernier. Nous avons apporté ce changement parce que nous croyons que les Canadiens ont le droit de savoir non seulement comment les impôts prélevés sur l’argent qu’ils ont durement gagné sont dépensés, mais aussi comment et pourquoi les décisions en matière de dépenses sont prises. La Chambre des communes n’atteint pas ce niveau élevé d’ouverture.
Je suis sûr que vous conviendrez que toutes les mesures que j’ai évoquées dans cette lettre, plus particulièrement la transparence du Bureau de régie interne, la demande de vérification au vérificateur général, la mise en œuvre d’un nouveau modèle de divulgation et la création de plusieurs mécanismes et d’organes de surveillance indépendante, dont un autre est à venir, prouvent non seulement que le Sénat est sérieux lorsqu’il affirme avoir à cœur l’efficacité, la transparence et la reddition de comptes, mais aussi qu’il est lui-même un exemple en la matière pour d’autres chambres législatives.
Rien parmi tout ce que nous avons accompli n’aurait été possible sans que les sénateurs décident de mettre leurs divergences de côté et de travailler ensemble dans l’intérêt de la Chambre haute. Je souhaite remercier tous les sénateurs de leur travail acharné et de leur volonté pour faire ce qui devait être fait pour amener le Sénat là où il se trouve aujourd’hui et pour le faire avancer dans la direction dans laquelle il progressera dans les jours et les années à venir. Je tiens à remercier de leur diligence notre ex-président, feu Pierre Claude Nolin, la vice-présidente du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, la sénatrice Jane Cordy, son prédécesseur, le sénateur George Furey, le troisième membre du comité directeur, le sénateur David Wells, ainsi que tous mes collègues anciens et actuels au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.
Je reconnais qu’il peut parfois être frustrant de constater que la « chambre de second examen réfléchi » n’agit pas toujours à la vitesse de l’éclair que souhaitent certaines personnes, qu’il s’agisse de l’examen de politiques et de projets de loi ou de la mise en œuvre de mesures touchant la transparence et la reddition de comptes pour la manière dont l’argent des contribuables est dépensé. Toutefois, il est de notre devoir de nous assurer que nous soumettons toutes les questions dont nous sommes saisis à un examen attentif, ce que le Sénat a toujours fait et ce qui nous incombe en définitive. Il s’agit, après tout, de notre raison d’être.
Pour terminer, j’espère sincèrement que vous serez en mesure de prendre conscience que des déclarations aux médias, voulant que le Sénat ait encore beaucoup de chemin à parcourir pour évoluer, non seulement semblent être extrêmement méprisantes pour le travail acharné accompli par vos collègues, mais ils ne sont d’aucune aide, pourraient faire valoir certains, pour le Sénat dans les efforts qu’il déploie pour regagner la confiance des gens qu’il sert.
Cordialement,

Léo Housakos